mardi 18 janvier 2011

yannis markantionakis par christophe morin

Un exégète paresseux dirait qu'« il peint des bateaux ». C'est vrai et pourtant la chose dite, de bonne foi, qui pourrait s'en contenter ? Yannis Markantonakis lui-même parle de « scènes portuaires » mais la formule dit peu de ces paysages maritimes habités de massives silhouettes de paquebots. L'artiste ne décrit pas la plaisance mais la marine au long cours, la marine marchande et ses énormes vaisseaux aux prises avec la mer, avec les éléments parfois, qui glissent imperturbables.


Malgré son goût presqu'immodéré pour la technique, Yannis Markantonakis ne se perd pas dans la vaine description de ces monstres marins, de leurs coques, de leurs châteaux, de leurs coursives, de leurs cheminées fumantes ; ni des hommes d'ailleurs. A l'instar d'un Nicolas de Staël, il brosse à larges touches ces vaisseaux qui prennent des allures de monuments, silencieux au milieu des flots, que seul le temps peut corroder. Des formes, épurées jusqu'au sprématisme, Yannis Markantonakis n'a conservé que l'essentiel comme dans les natures mortes de Morandi, pour atteindre à l'immanence.


Dans ses tableaux, l'armement, élevé au rang d'art par ses compatriotes crétois, se mue en religion. Les cadres noirs qui entourent les navires ne sont-ils pas d'ailleurs des réminescences des bordures dorées d'antiques icônes ? Yannis Markantonakis dit avec humour que « l'episcopat ne laisse pas sortir les icônes sans cadres ». Lui les peint en noir, comme les coques de ses navires, d'un noir mat qui sent le pétrole lourd, le charbon, le tellurique. Comme dans le viseur de l'un de ces Leïca qu'il affectionne, le cadre borne a posteriorices vues portuaires, pas en doré mais en noir, celui d'une boite d'optique, qu'il déplace, masquant ses repentirs, réglant la vue, multipliant au besoin les passe-partout ou les caches mal agrafés.


De ces bricolages apparents, souvent chaotiques, tel un alchimiste qui aurait trouvé la pierre philosophale, Yannis Markantonakis fait surgir une poésie rare qui appelle à la contemplation. Le talisman de l'artiste c'est une vieille carte postale noir et blanc, seule image qui orne l'atelier du peintre, elle représente la baie de Souda inondée de soleil pù un navire a jeté l'ancre. Il la brandit et son regard s'illumine, tout est là semble-t-il, il la peint, la repeint encore.


Christophe Morin (octobre 2010), historien de l'art, maître de conférence à l'Université de Tours.
Galerie Prodromus

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